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- des étagères
Cet énoncé manifeste une maturation, un cheminement, la reconnaissance progressive que tout objet design a sa définition, que tout objet design a sa fonction et ce, bien plus et bien avant son dessin, et que cette définition est intégralement déterminée par l’usage mais qu’un usage, lui, ne se dessine pas.
Ces étagères ne sont pas attractives, leur visibilité est celle du peu, elles sont sans nom ; une étagère, dit-on, pour l’élément, des étagères pour un ensemble; des étagères, rien que des étagères, donc. Le regard esthétique est sans prise, sans arrêt, pas la moindre affiguration, pas la moindre anecdote sur lesquelles il pourrait gloser, ce regard glisse, décroche et tombe inexorablement dans le déceptif. Ces étagères sont à dessein, mais ce dessein, lui, est une construction cryptée. Si la visibilité est celle du peu, la dire, c’est devoir osciller exclusivement entre les polarités des minimalia et des maximalia. Est récurrente chez Martin Szekely. la plus économe des économies de moyens mis en oeuvre. Ici, une plage de métal importée de l’aéronautique devient étagère à poser, à ranger, mais elle est aussi celle de la plus haute portance aujourd’hui : elle ne plie point, elle ne s’affaisse pas, elle ne travaille pas, mais elle se brise.
Des impossibles ? Oui.
Il est impossible d’aligner deux étagères sur le même plan, un décalage d’un pas vers le haut ou vers le bas s’impose. Ce pas, c’est le contreventement, le triangle visible ; pour construire, l’obligation de toujours décaler selon ce même pas; ce pas, ce triangle, ce contreventement constitue la loi de construction de l’étagère. Ce décalage d’un pas vers le haut ou vers le bas est devenu la loi de construction de toute étagère. Pour chaque étagère entendue comme élévation singulière, c’est à chaque fois le positionnement de la dernière étagère, la plus près du sol qui donne à l’ouvrage la loi de sa disposition, ce locus est très exactement le contreventement, le triangle, le pas.
Des mesures ? Oui.
La hauteur de l’étagère s’impose, c’est la mesure de l’homme et sa gesture, ses extensions possibles, tendre le bras, la main; hors ces dimensions, soit le recours à des prothèses, élévation, escabeau, échelle, soit l’inutilisable.
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